Je
suis né dans un monde en métal et en béton
Alors
ne me parle pas de planter des oignons
Tu
me dis « tu ne sais pas » et toi que sais-tu de moi ?
A
comparer nos existences on en vient à tuer notre seul chance de nous dire « oui »
Ne
va pas te projeter dans une histoire que tu ne connais pas, car, comme la tienne
ma vie est singulière.
Ne
viens pas me dire « tu ne sais pas » car toi que sais-tu de mes
souffrances invisibles et subies !
Ne
joue pas à ce jeu, comparerais-je la souffrance de la faim avec la douleur de
ne pas se servir de ses mains ?
Planter
la bêche je ne sais, arroser je ne sais, m’asseoir et contempler je ne sais, se
contenter d’une amitié je ne sais.
Tu
n’as pas le droit de me juger car toi aussi un jour tu seras étranger
Si
tu en restes-là ne bouge pas de chez toi et baisse d’un ton ta voix
Je
te déconseille de venir chez moi, non pas seulement à cause du froid dehors
Mais
du froid au-dedans car ça aussi il a fallu s’y faire
L’hiver
d’un cœur qui n’a jamais appris à voir en l’autre la vie
Ne
le sollicite pas si fort, ne lui demande pas de sourire encore
Laisse
lui le temps de l’énervement mais ne le décourage pas
Tu
sais que tu as cette force en toi alors ne l’utilise pas pour désarmer le vazaha
Il
est venu pour toi, pour te rencontrer mais tu sais aussi qu’il peut vite se
contrarier
Cesse
de lui faire peser le poids d’un passé qu’il n’a pas à devoir assumer
Seul,
il est venu avec son histoire personnelle
Ne
lui dit pas qu’il ne sait pas car pour toi ce serait reculer
Transforme
ton jugement en question « ne sais-tu pas ? »
Chez
moi l’injonction nous a tant freiné
Ne
fais pas semblant d’être gentil avec moi
Sois
toi-même car c’est ainsi que la rencontre portera son fruit
S’il
te plait ne me reproche pas de ne pas savoir cultiver, bricoler, jouer au foot
ou au volley.
Quand on est né dans le métal cela fait déjà suffisamment mal.
Quand on est né dans le métal cela fait déjà suffisamment mal.
Non
je n’ai pas appris à vivre comme toi les mains dans la terre et à partir à la
recherche de nourriture pour ma survie. Ne me reproche pas d’être né là où je
suis né.
Personne ne choisit ni sa famille, ni ses limites
Personne ne choisit ni sa famille, ni ses limites
Mais
c’est pour défier le destin que nous allons nous donner la main.
Je
ne suis pas naïf, entre nous la barrière subsiste et dans nos pensées nous savons-nous
autrement qu’étrangers ?
Pour
moi c’est difficile et pour toi ?
Jusqu’où
irons-nous pour faire un morceau de route ensemble ?
Je
ne me fais pas d’illusion c’est de poussière et de terre que nous sommes faits.
Mais
Un Autre nous a fait pour nous mélanger. Cela peut comme pour moi t’insupporter.
Mais nous n’avons pas le choix. C’est pour ça que je suis là parce que je n’ai
pas choisi et que c’est comme ça que je te reçois. En cela je te rejoins !
Quand
je partirai que restera-t-il de moi dans ta mémoire ? La couleur de ma
peau, mon comportement d’occidental, ou bien te souviendras tu qu’avec toi j’ai
marché, j’ai douté et j’ai aimé et que ces choses-là sont propre à notre
humanité ?
Quand
viendra-t-il le temps ou nos yeux verront pour de vrai ? Personnellement j’ai
hâte d’avoir à dépasser tout ce tas d’apparences pour te recevoir et t’aimer
sans compter toi qui m’appelais « l’étranger ».
Il y a dix ans qui pouvait imaginer notre rencontre.
Pourtant nous voici toi et moi si proche dans ce taxi, dans cette église autour de la même table. Ferme les yeux, je vois la même nuit que toi.
Ouvre tes mains que je m’y repose enfin.
Pourtant nous voici toi et moi si proche dans ce taxi, dans cette église autour de la même table. Ferme les yeux, je vois la même nuit que toi.
Ouvre tes mains que je m’y repose enfin.
Wooow! J'aime beaucoup ce texte. Ca me fait écho.
RépondreSupprimerMerci Clément pour ce bel article, si sincère, et si fort dans l'expression de ce que tu vis !
RépondreSupprimerC'est vraiment très touchant.