dimanche 14 février 2021

Visage

Notre rencontre s’est faite tout ce qu’il y a le plus simplement du monde. Il suffisait de passer devant l’étale bricolée par les récupérations successives pour que nos regards se croisent. Je me souviens de la première poignée de main avec Daniela, petite fille de 12 ans sur le chemin qui conduit au collège. Ferme et douce à la fois. Drôle de sensation éprouvée alors. C’est une salutation qui décrit quelqu’un de volontaire autant que consciente des limites de sa place dans la société. 

Etre une jeune fille « vraiment noire » (mainty be) dont les parents (où est le père ?) ne peuvent pas payer les frais de scolarité même modiques des écoles d’Etat est un déterminisme parce que la discrimination existe entre les malagasy eux-mêmes (le plus clair est plus important que le noir) et je me demande des fois si elle n'est pas plus sournoise que la plus visible réaction face au vazaha (l'étranger blanc). Elle sait qu’en me voyant en s’approchant de moi qui vient des pays riches (matériellement), elle aura peut-être sa chance de récolter de quoi brièvement soulager sa journée de labeur par l'achat d'un surplus de riz ou de brèdes. Au moins un bonbon contre l'amertume.

Son regard est intense et sous ses yeux je peux voir, déjà, les cernes de celles qui se lèvent (trop) tôt pour faire la ménagère. Chaque jour elle passe deux fois devant notre maison pour aller au "bazard" se procurer de quoi subsister jusqu'à la journée prochaine: quelques feuilles et des patates douces et peut-être une ou deux mesures de riz (les cabas locaux ont cet avantage d’avoir la même apparence plein et vide et on ne peut deviner sauf en penchant la tête ce qu’il y a au fond). L’autre jour, je l’ai vu de dos piller le café qu’elle sert aux passants pour 200 AR la tasse. Son petit corps est déjà solide et elle pourrait faire penser qu’elle est plus âgée que du haut de ses douze ans. 

Lorsque on se salue, le sourire est de mise quand ce n'est pas la grimace selon l’humeur du moment. Mais quelle grimace ! celle de l'envie ou de la colère ? Il m’est arrivé une fois de l’aider à aller chercher de l’eau au puits. Les enfants tirent des brouettes avec de lourdes charges sans que cela ne surprenne personne. A 12 ans, on est déjà plus qu’autonome. Et il vaut mieux en fait, au risque d'être encore plus dépendant que la situation ne l'inflige déjà. Une autre petite de 8 ans avec qui j’avais passé des vacances lavait elle-même son linge dans trou creusé dans le sable de la Linta, fleuve local asséché à la saison froide. 

Avec Daniela, je vois la jeunesse d’une île ou d’une partie de celle-ci (Le Sud) déjà sans perspective. Comment va grandir Daniela ? Où en sera-t-elle dans 10 ans ? L’école publique lui aura-t-elle permise de changer de situation sociale ? Est-ce ce qu’elle veut ? Les petites filles et adolescentes d’ici veulent souvent devenir sage-femme ou bien exercer un métier caritatif. Daniela est une fille très intelligente mais sa famille n’a pas assez d’argent pour rejoindre une école catholique parce que les frais sont trop élevés et que les parrainages sont insuffisants. Malgré les efforts des religieuses surtout et des religieux, nombreux sont ceux comme Daniela qui souffrent d’être, alors que la vie commence sans chemin d'école. Je vous demanderez bien de l’argent pour Daniela non seulement pour elle mais pour sa famille. Mais voilà, l’argent ne résoudra point l’affaire. Le fond du problème est que l’éducation battit sur le système français, ne propose pas d’autres alternatives que des études théoriques à l’université. 

Enfin je sens bien que je ne regarderai jamais plus les enfants comme avant : Le regard de Daniella restera pour moi une vérité qui dérange. J’espère qu’à l’instar de l’Abbé Pierre ou de Mère Thérésa il sera un point de départ qui m’empêche de dormir tranquille pour que la charité soit dans mes mains, sur mes doigts qu’elle sue sur mon front, sans répit puisque, elle, Daniela, n’a ni repos ni repas.



Comment m'aider pour que des enfants aillent à l'école et donne à Madagascar de nouveaux espoirs ?

Maintenant que je suis en France, je ne stoppe pas mon action  pour les enfants de la Grande Île à avoir un accès à une éducation de qualité...