dimanche 19 avril 2020

Alors qu'est-ce que ça fait ?

Le chiffre de l’année
Avant de m’exprimer sur « qu’est-ce que ça fait d’avoir trente ans ? », je voudrais souligner le contexte qui joue toujours le rôle d’indicateur voire de signe pour ce genre de chiffre rond. Dans la Bible, aucun chiffre n’est livré au hasard et chaque nombre désigne un mot en hébreu. Je suis curieux de savoir ce qui se cache derrière le chiffre 30. Les années nous le diront... Ce qu’il m’évoque spontanément c’est d’abord l’histoire qui me relie à la terre : J’ai passé 14 ans dans le Gard (30) à partir du CE1 et je revois la maison où nous avons grandis. Il me revient des tas de choses : le jardin et sa haie à tailler, la cage aux poules, le champ de chevaux qui se dévoilait lorsque j’ouvrais les volets de ma chambre, les hivers secs, les étés brûlants, le visage de mes camarades de classes, la piscine du voisin, mon premier professeur qui organisait des excursions pédagogiques dans la forêt pour découvrir les champignons... Tout une empreinte bucolique et rurale pleine de lumière et de Mistral dont j’ai du mal à me défaire dans mes successifs déménagements. Même si je suis né dans le béton montpelliérain, j’ai grandi au contact de la garrigue, des cigales, de la canicule et des pinèdes. Aujourd’hui, la canicule quotidienne me rattrape mais rien n’évoque le Midi par rapport à ce nouveau sud malagasy. Seule la chaleur, le vent et la végétation aride m’évoque ce passé candide.

Tous les peuples
Ce que je retiens surtout de mon passé, avant même la charmante sonorité de mon accent du midi perdu en cours de route, c’est l’amour que j’ai reçu des miens et qui m’a aidé à pousser au-delà des terres de vignes et des rivages salés de la Mer Méditerranée. J’ai eu la joie pendant trois ans de rejoindre une autre partie de mon héritage culturel en me rapprochant de l’Allemagne par ces trois ans à Strasbourg. Entre le Midi Libre et les Dernières Nouvelles d’Alsace, les événements se sont succédés et m’ont conduits jusqu’à Madagascar. À peine l’année 2020 commencée nous voilà tous au milieu d’une terrible pandémie (étymologiquement tous les peuples). Jamais un anniversaire n’aura été aussi universel ! Je n’oublierai pas de si vite la trentième...

L’aventure vertébrale

Trentième… Cela m’évoque aussi un autre « 30 » auquel je suis attaché. Celui de mon groupe scout de Strasbourg : 2e /30e Citadelle Saint Bernard. Le scoutisme a affirmé en moi l’esprit d’éclaireur et d’explorateur que j’ai toujours voulu cultiver en mon fort intérieur. Vous avais-je déjà parlé de mon héros de jeunesse ? Il avait le nom du chien du tournage et se défaisait de ses ennemis à coup de fouet. Ainsi aurais-je bien aimé suivre les pas du Dr. Jones mais depuis l’Arche perdue, jusqu’à la Dernière croisade, il me fallait aller plus loin. J’avais soif de rencontres, de civilisations, de nature, de voyages. Grâce aux scouts, j’ai pu nourrir cet imaginaire d’aventurier tout en le mettant progressivement en pratique car du mental au réel il me faut souvent faire un grand chemin. De fait, l’aventure s’est préalablement jouée à l’intérieur dans ma rencontre avec les chrétiens et leur Seigneur. C’est avec Lui que j’ai pu passer progressivement vers l’autre rive et traverser mes peurs pour atteindre des zones d’inconforts où la vie est plus intense et plus belle. Le mouvement initié par Baden Powell m’a donné le coup de pouce pour concrétiser les grands idéaux qui m’habitaient.
Ainsi suis-je devenu un brin plus attentif aux injustices humaines et écologiques qui m’entourent. Depuis Ejeda, j’observe un peuple livré à sa débrouillardise (et heureusement les malagasy ont de la ressource), et cible vulnérable des changements climatiques tels que les cyclones dans le Nord et la sécheresse croissante dans le Sud. A cela s’ajoute le poids d’une mondialisation qui, certes, ouvre le pays au monde mais élargit aussi les inégalités et écartèle le pays entre ses traditions rurales séculaires et les habitudes citadines contemporaines importés. Ma règle de vie religieuse assomptionniste me donne alors le sens de cette nouvelle aventure : être là où l’homme est menacé comme image de Dieu et où ce dernier est menacé en l’homme.

être, faire, vivre
Etre là, c’est quelque chose que je ne savais pas faire il y a six mois. Pas plus il y a trente ans. Dans notre culture, nous avons appris à faire le maximum pour éviter le vide et l’ennui. Le confinement contraint remet certains d’entre nous à sa juste place car le verbe être revient au centre. Aujourd’hui beaucoup redécouvrent les bienfaits de la méditation pleine conscience et des pratiques d’hypnoses thérapeutiques. J’accorde une grande importance à ces exercices car ils me renvoient à une expérience similaire lorsque je prends le temps de prier dans le silence avec la Parole. Or, qu’est-ce que la Parole de Dieu et la prière sinon des actions qui nous invitent à la vie ?
Dans ce village, la vie est d’abord une expérience d’être là et la prière ici ne décolle pas du sable : elle nous renvoie toujours à un quotidien aussi piquant que les cactus qui nous entourent. A Ejeda où beaucoup de choses manquent pour faire plus et mieux, je reçois cette puissance de vie qui se manifeste par la générosité et l’hospitalité des habitants. La vie demande cette attitude d’être là pour vivre avec. Quand Jésus dit « Je suis » il rend possible la rencontre avec Dieu. Quand nous disons que nous vivons ensemble nous réalisons Sa volonté et devenons chacun ce que nous sommes. Il faut une vie pour l’appliquer et trente ans ne sont qu’un début.

Demain
La vingtaine a fait jaillir en moi la fibre spirituelle par mon entrée et mon engagement progressif dans la communauté « Eglise ». Je fais le vœu (un de plus) que cette trentaine ira dans le même sens et aura une tonalité davantage solidaire et interculturelle. Cela commence plutôt bien mais il ne faudra pas relâcher l’effort et continuer à pratiquer cette tendance comme un exercice humanisant. Pour cela rien de tel qu’un objectif à la mesure de mes ambitions (slogan de ma première formation universitaire à l’IUT de Montpellier en Mesures Physiques). Je me fixe audacieusement de passer du « je » au « nous ».  Cela signifie confesser que nos « je » sont reliés et qu’aucun « tu » ne peut faire obstacle au désir d’habiter ensemble la maison commune qu’est la Terre. Conséquence directe : prendre en compte l’autre sur « ce chemin qui n’existe que par ma marche » (S. Augustin). La culture malagasy m’enseigne au quotidien qu’un sourire a de la valeur et que la famille est un don de Dieu. Voilà de quoi bien commencer cette nouvelle marche vers le frère.

Alors qu’est-ce que ça fait ?
Si vous avez réussi à lire jusqu’au bout cette page de vie, vous avez du remarquer que je n’ai pas répondu à la première question ; alors avoir trente ans qu’est-ce que ça fait ? Si vous avez bien suivi, le verbe FAIRE ne peut se défaire de son voisin ETRE pour que la symbiose de la VIE soit. Prenez cette courte relecture comme un premier fruit qui vous invite à relire vos trente premières années où à les imaginer pour les plus jeunes (nouveau défi de confinement).
Que ce soit ce 20/04/2020 à Madagascar en plein coronavirus comme le 20/04/1990 à Montpellier à la fin de la Guerre Froide, ma vie commence avec vous. Merci d’être de ce que que vous êtes et de continuer de faire ce que vous faites pour que la vie soit plus belle aujourd’hui que demain. Comme dit une hymne recueil de prière que j’ouvre chaque jour pour vous et pour Dieu : Il suffit d’être et vous vous entendrez... 

Comment m'aider pour que des enfants aillent à l'école et donne à Madagascar de nouveaux espoirs ?

Maintenant que je suis en France, je ne stoppe pas mon action  pour les enfants de la Grande Île à avoir un accès à une éducation de qualité...