jeudi 19 décembre 2019

Aza fady Madagasikara


Durant l'Avent je me suis facilement passé de bougie, de chèche, et même marché de Noël ! Par contre, une rengaine m'est restée dans la tête : "préparez les chemins du Seigneur, rendez droit ses sentiers". Jean Baptiste ne chantez pas au seuil des chaumières hivernales mais dans le désert. Son prédécesseur laisse aussi dans la Bible un héritage exceptionnel : "Il jugera les petits avec justice; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays". Il n'y a pas de quoi faire la chansonnette non plus. Pourtant, ces paroles me travaillent comme la terre ici est remuée pour la saison des pluies. La question de la justice me préoccupe et je voudrais partager ce qui me dérange lorsque je me déplace et que je vois ce pays morcelé par les inégalités sociales. Si je n'ai pas de chanson, j'ai tout de même un titre Aza fady Madagascar pour dire "désolé Mada" mais je ne peux pas baisser le yeux... 


Déforestation 
Sur la route, les collines et les plaines sont magnifiques mais une chose me manque. La déforestation est un problème majeur à Madagascar. Alors que je m'émerveillais devant les paysages offerts par l'Île rouge, je prends conscience de l'absence manifeste de forêt le long de la route. Ce constat est pour moi d'autant plus frappant car j'habite le sud du pays où cela inquiète les habitants. A Tuléar, Alphonse, un frère assomptionniste, ébéniste de formation, constate malheureusement ce cruel déficit de matière première. La rougeur de la terre malagasy n'est donc pas seulement lié à la forte teneur en fer mais en grande partie à la coupe agressive et sauvage des arbres au bord même de la route parfois. Le bois ainsi coupé est transformé en charbon de bois, le seul combustible utilisé dans les villages pour faire la cuisine.A cela s'ajoute les feux de brousses qui alimentent la croyance qu'une terre brûlée sera plus fertile. C'est un cercle vicieux ou une impasse : comment se dégager de l'utilisation du charbon pour préparer le sakafo (repas) ? Le reboisement prévu est une bonne initiative mais il faut remédier à cette déforestation au plus vite ! 


Centralisation
L'histoire récente de Madagascar montre que le pays s'est construit bon an mal an sur le système colonial. Bien que le peuple malagasy soit aujourd'hui un peuple libre, la politique a du mal à se démarquer du système français. Notamment, la centralisation. En effet, tous les papiers administratifs assez importants nécessitent un aller-retour à la capitale où les ministères sont déjà bondés du matin au soir.  Lorsque vous habitez à 50 km, ça passe... Par contre, si comme moi, vous apprenez depuis votre petit village que vous avez trois jours pour faire 1000 km et payer par vous même les frais de transports et des mauvaises nuits de sommeils, la centralisation devient pour vous une épine dans le pieds. Je ne conteste pas le système centralisé qui a ses avantages. Par contre, en abuser à ce point devient très contraignant et peu rendre la vie des gens plus difficile que ce qu'elle est déjà. Le ministère de la décentralisation porte bien son nom ici. Mais je me demande vraiment si son action est efficace. 

Corruption
Cela pose alors la question du fléau principal du pays. J'ai nommé la corruption généralisé. Je sais qu'il existe des milliers d'articles à ce sujet sur l'île (tapez "corruption madagascar") : exemple ici
Or à la vue de billets qui circulent comme si cela allait de soi, j'ai de quoi être surpris et choqué. Cela va des instances politiques les plus hautes à des choses banales. Par exemple, sur le chemin qui mène à Tuléar des postes de douanes sont installés. A chaque passage de taxi-brousse, un gendarme (dont la tenue imite celle des nos chers militaires en chemise bleu avec leur beau képi) sort de sa case. Une petite discussion s'engage avec le chauffeur et hop, voilà une somme de 5000 à 10000 Ar glissant des mains et permettant au véhicule de continuer la route. Evidemment les taxis-brousses ne sont jamais aux normes (passagers impactés comme du bétail et surcharge évidente des bagages sur le toit). Mais est-ce normal de voir l'argent filer ainsi à chaque poste de douane comme si de rien n'était ? 

En attendant le président... 
Ce thème se raccorde bien avec une conversation que j'ai eu lors d'un voyage avec un fonctionnaire hydro-géologue de Tuléar. Il dénonçait lui-même de voir que les châteaux d'eau installés par l'Etat  n'avaient pas été entretenus et que la population souffrait ainsi du manque d'accès à ce qui est la source de la vie. Pourquoi ? la corruption. Il faut aussi ajouter d'un part des paysans qui veulent garder l'espace routier pour la circulation de leur charrette. J'espère que je ne me suis pas trop plaint de l'exécrable qualité de la route Nationale 10. Cette dernière ne sera peut-être jamais mise en état car les éleveurs de zébus et le réseau de taxi-brousse ont trop d'intérêt à laisser la situation ainsi et rendant les habitants dépendant de ce système. Madagascar pose le problème de l'inertie. Les habitants s'habituent à attendre que les choses viennent d'en haut, c'est à dire du président (la croyance au système centralisé persiste). Or, à lui seul il ne peut pas tout faire ! De plus, si l'intérêt de l'Etat est inférieur à celui de la population locale, rien ne bougera car personne n'aura réclamé justice. 

Continuer quand même
Je crois avoir suffisamment insisté sur l'interdépendance des problèmes sociaux à Madagascar. Ce soir même je retrouve le taxi-brousse pour rejoindre Fianarantsoa. Je sais que c'est bientôt Noël et que le temps est à la fête. J'aimerais des fois ne voir que les sourires des enfants et cette solidarité tenaces qui lie les familles les plus pauvres. Désormais, c'est plus difficile à vivre et la colère me prends quelques-fois à la vue de tant de misère. Je sais que ma mission est là pour donner de l'espoir et c'est la raison pour laquelle je me lève tous les jours. Alors, je vous laisse avec cette vidéo qui voudrait résumer en quelques secondes ce que j'ai essayé d'exprimer : à la fois la beauté et la pauvreté. Noël est teinté de cette ambiguïté. 




Bon Noël à toutes vos familles ! 

PS. : Au cas où vous avez une bûche au Réveillons, vérifiez sa provenance...(avec la déforestation...) 


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